Infractions à vélo : plaidoyer pour une proportionnalité des peines

Contrairement à ce qui se pratique dans nombre de pays voisins, tels l'Allemagne ou la Grande-Bretagne, en France, un cycliste en infraction est soumis aux mêmes peines qu'un motard, un automobiliste ou un conducteur de poids lourd car le code de la route ne connait que deux catégories : les piétons et les « véhicules », cette dernière regroupant  tous les autres usagers dont les cyclistes. Cette réglementation suscite depuis des années de vives protestations de la FUB et de ses associations membres qui la jugent inéquitable. Elle demande des montants d’amendes adaptés aux cyclistes car les conséquences de leurs infractions sont infiniment moins graves que celles engendrées par les modes motorisés.

En l'occurrence, et pour rappel, selon qu'elle est minorée, forfaitaire ou majorée, une amende de 1ère classe (absence de catadioptre, d'éclairage (ci-contre) de sonnette…)  « coûtera » entre 11 à 38 €, une amende de 2ème classe (ne pas tenir son guidon, oubli de signaler son changement de direction…), entre 22 à 150 €, une amende de 3ème classe, entre 45 à 450 € et une amende de 4ème classe (sens interdit, circulation sur trottoir…), entre 90 à 750 €.

Bien sûr, cette règle de base comprend nécessairement des limites techniques car toutes les infractions ne sont pas susceptibles de concerner les cyclistes (les excès de vitesse, par exemple). Elle comprend aussi une exception notable : un cycliste ne peut pas perdre de points sur son permis de conduire à la suite d'une infraction commise à vélo. Selon le Code de la route, il ne peut en effet y avoir retrait de points que pour les infractions commises avec un véhicule dont la conduite nécessite un permis de conduire. Il a d'ailleurs fallu un certain temps pour que ce fait soit admis par les tribunaux mais la jurisprudence et diverses circulaires ministérielles l'ont entériné ; il est désormais incontestable.

En revanche, un cycliste peut voir son permis de conduire suspendu. Une telle sanction peut être prononcée par un juge, de façon exceptionnelle, dans le cas d'un comportement particulièrement dangereux (conduite en état d'ivresse ou sous l'emprise de produits illicites). Il s'agit alors d'une peine alternative à l'amende pour des individus sans ressources suffisantes.

Mais à cette exception près, la loi ne fait aucune différence entre les usagers motorisés et les cyclistes concernant le barème des peines qui s'applique en cas d'infraction. Une situation qui risque d'aboutir dans certains cas à des situations ubuesques. Ainsi, un cycliste qui roule à l'allure du pas dans une rue piétonne peut fort bien écoper d'une amende de 4ème classe (90 à 135 €) sous prétexte qu'il est en « sens interdit »... si la municipalité a oublié d'apposer un pictogramme « sauf cyclistes » sous le panneau. Idem en zone 30 (où le Code prévoit la généralisation des double sens) si la municipalité n'a pas encore mis en place la signalisation adéquate faute de crédits !

La FUB, notamment par la voie de sa représentante au sein du Conseil national de Sécurité Routière, s'est prononcée sur ce terrain en réclamant la proportionnalité des peines, à l'instar de ce que l'agglomération de Strasbourg expérimente depuis 2013. Elle demande que, conformément au droit français, basé sur une punition proportionnelle à la faute et à la gravité des conséquences qui en découlent, la sanction infligée aux cyclistes en infraction soit en rapport avec le danger qu'ils font courir à autrui. Jusqu'à présent, les pouvoirs publics ont fait la sourde oreille, émettant des doutes sur la possibilité de verbaliser différemment des usagers de la route qui commettent la même infraction... 

 

Strasbourg expérimente avec succès les amendes minorées

Partant du principe que le partage harmonieux de l'espace public n'est possible que s'il y a le respect rigoureux du code de la route, la ville de Strasbourg, avec l'accord du Procureur de la République, a décidé en 2013 d'appliquer une politique plus rigoureuse vis à vis des cyclistes lorsqu'ils commettent certaines infractions. Cela concerne neuf infractions de 4ème classe : non respect du sens interdit, du stop, du feu rouge, refus de cédez-le-passage, de priorité à droite ou dans un giratoire, refus de priorité au piéton régulièrement engagé ou en zone piétonne, enfin conduite avec téléphone. Mais pour rendre les sanctions acceptables par les intéressés, le montant des amendes a été adapté : 57 € (minorée à 45,60 € en cas de paiement rapide) au lieu de 135 € (minorée à 90 €). « Notre objectif était tout à la fois d'améliorer la sécurité des cyclistes mais aussi de diminuer le sentiment d'insécurité des autres usagers, explique Yves Laugel, responsable Pôle sécurité, prévention et réglementation de la Ville et de la Communauté urbaine de Strasbourg. Il nous semblait donc nécessaire de verbaliser les comportements non respectueux du code. Mais comment infliger une amende de 135 € à un étudiant pour un feu non respecté, quand on sait que pour la même infraction un piéton n'est punissable que d'une amende de 1ère classe ? Le résultat, c'est que ces comportements  incorrects étaient très peu sanctionnés. Minorer certaines amendes pour les cyclistes nous a permis d’être plus coercitif, de les menacer de verbalisation systématique... de réduire sensiblement le nombre de mauvais comportements a permis de diminuer le nombre d’accidents. Malheureusement, ce dispositif reste fragile car il n'existe que grâce au bon vouloir du Procureur de Strasbourg : s'il change d'avis ou si son successeur ne souhaite plus poursuivre l'expérimentation, nous serons contraints de l'abandonner. C'est pourquoi nous souhaitons ardemment qu'il soit généralisé. »