Aménager l’espace public pour les cyclistes : la loi le rend obligatoire

Dernière mise à jour : mars 2022

Transformer en profondeur la voirie pour la rendre plus accueillante pour les cyclistes, présents et à venir, est un défi majeur pour permettre le développement de la #SolutionVélo. 

Ces aménagements, synonyme d’attractivité et de sécurité pour les cyclistes ne sont pas toujours corréler à la bonne volonté de la collectivité et ce depuis la Loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Energie (LAURE). 

Son article 20 codifié à l’article L.228-2 du Code de l’environnement, fonde l’obligation des collectivités à prévoir l’aménagement d’itinéraires cyclables à l’occasion de travaux de voirie. La LAURE n'oblige pas les élus à faire une politique cyclable, mais elle les oblige à prévoir des aménagements cyclables lorsqu'ils décident d’engager des travaux de voirie.

La LAURE

Bien connue des associations, la LAURE a posé les fondements des politiques de déplacement en faveur du vélo (et des modes doux en général). Son objectif : «  respirer un air qui ne nuise pas à la santé ».

Son article le plus connu a été codifé dans le Code de l’environnement :

Version en vigueur du 21 septembre 2000 au 27 décembre 2019 de l'article L228-2  : « A l’occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l’exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants, en fonction des besoins et contraintes de la circulation. L’aménagement de ces itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du plan de déplacements urbains, lorsqu’il existe. »

L'obscurité de certaines notions de ce textes ont conduit la jurisprudence à devoir se prononcer afin d'expliciter cet article sur certains points :

  • Les notions de "réalisation et de rénovation" : à travers la plupart des jurisprudences, il semble qu'une certaine consistance dans les travaux soit exigée afin de faire appliquer l’article L.228-2 du Code de l’environnement. Cette interprétation du texte se base notamment sur les travaux parlementaires de la LAURE et la LOM qui semblent aller dans ce sens. Voir notamment arrêt CAA Douai, 30 décembre 2003 - n°02DA00204 et arrêt CAA Marseille, 7 avril 2015 - n°13MA02211
  • La notion "de besoin et contrainte de la circulation" : le choix de la collectivité se porte sur le type d’aménagement et non sur la question de savoir s’il y a obligation de mettre en place un aménagement ou exemption de cette obligation. Voir notamment arrêt CAA Paris, 5 novembre 2013 - n°10PA04758
  • Enfin, "les orientations du plan de déplacements urbains" : le choix de la collectivité ne peut porter que sur la nature des aménagements et le plan de déplacement urbain ne saurait faire obstacle à l’obligation légale de mise en place d'itinéraire cyclable. Voir notamment arrêt CAA Nantes, 26 juin 2009 - n°08NT03365

Un besoin de clarification et de précision dans la rédaction de l’article L.228-2 du Code de l’environnement s’imposait de longue date. La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) a été l’occasion de le revisiter, et même de le compléter en prenant aussi en compte les besoins des cyclistes de rouler en sécurité hors agglomération.

La LOM

La nouvelle rédaction de l'article L.228-2 du Code de l'environnement : 

"A l'occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l'exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d'aménagements prenant la forme de pistes, de bandes cyclables, de voies vertes, de zones de rencontre ou, pour les chaussées à sens unique à une seule file, de marquages au sol, en fonction des besoins et contraintes de la circulation. Lorsque la réalisation ou la rénovation de voie vise à créer une voie en site propre destinée aux transports collectifs et que l'emprise disponible est insuffisante pour permettre de réaliser ces aménagements, l'obligation de mettre au point un itinéraire cyclable peut être satisfaite en autorisant les cyclistes à emprunter cette voie, sous réserve que sa largeur permette le dépassement d'un cycliste dans les conditions normales de sécurité prévues au code de la route.

Le type d'aménagement de ces itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du plan de mobilité, lorsqu'il existe."

Voici les principales nouveautés qui peuvent être soulignées :

  • La présence d’une liste exhaustive des types d’aménagements possibles. 
  • Le marquage au sol est désormais envisagé à titre limitatif. 
  • L’exception due à la réalisation ou à la rénovation d’une voie destinées aux transports collectifs.
  • On parle désormais de Plan de mobilité (PDM) et non plus de Plan de déplacement urbain (PDU).

Le nouvel article L.228-3 du Code de l'environnement : l'aménagement cyclable hors agglomération. 

Ainsi, pour qu’il y ait un aménagement cyclable hors agglomération il faut qu’il y ait : 

  • Une réalisation ou un réaménagement d’une voie hors agglomération, hors autoroutes et voies rapides
  • Un besoin avéré : c’est au gestionnaire de la voirie d’évaluer le besoin avec la ou les autorités organisatrices de la mobilité.
  • Une faisabilité technique et financière :  dans l’éventualité où le besoin serait réputé « avéré » ; il existe une exception à la réalisation d’un aménagement cyclable : l’impossibilité technique ou financière. 

Il existe trois situations dans lesquelles le besoin est réputé avéré : 

  • Situation 1 : Les aménagements ou itinéraires cyclables inscrits dans un Plan de mobilité (PDM), un Plan de mobilité simplifié (PDMs), un schéma régional d’aménagement et de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDT) et du schéma national des véloroutes. 
  • Situation 2 : La réalisation ou le réaménagement des voies situées dans une zone à faibles émissions mobilité (ZFE).
  • Situation 3 : La réalisation ou le réaménagement des voies situées à moins de 5km du périmètre d’une ZFE et sur le territoire de l’EPCI dont le président a mis en place la ZFE. 

Télécharger la FAQ FUB "Je prépare mon recours" - Les aménagements cyclables - Comprendre les évolutions législatives

Le double sens cyclable

La généralisation du double sens cyclable (DSC) sur les voies dont la vitesse maximale est inférieure à 30 km/h est la règle de principe.

Dans ces zones 30 et dans les zones de rencontre, le DSC pour les cyclistes est la règle de principe, instaurée par le décret n°2008-754 du 30 juillet 2008. Depuis ce décret, l’article R.110-2 du Code de la Route dispose : 

« Zone de rencontre : section ou ensemble de sections de voies en agglomération constituant une zone affectée à la circulation de tous les usagers. Dans cette zone, les piétons sont autorisés à circuler sur la chaussée sans y stationner et bénéficient de la priorité sur les véhicules. La vitesse des véhicules y est limitée à 20 km/ hToutes les chaussées sont à double sens pour les cyclistes et les conducteurs d'engins de déplacement personnel motorisés, sauf dispositions différentes prises par l'autorité investie du pouvoir de police. Les entrées et sorties de cette zone sont annoncées par une signalisation et l'ensemble de la zone est aménagé de façon cohérente avec la limitation de vitesse applicable. »

« Zone 30 : section ou ensemble de sections de voies constituant une zone affectée à la circulation de tous les usagers. Dans cette zone, la vitesse des véhicules est limitée à 30 km/ hToutes les chaussées sont à double sens pour les cyclistes et les conducteurs d'engins de déplacement personnel motorisés, sauf dispositions différentes prises par l'autorité investie du pouvoir de police. Les entrées et sorties de cette zone sont annoncées par une signalisation et l'ensemble de la zone est aménagé de façon cohérente avec la limitation de vitesse applicable. »

L'utilisation de la formulation "sauf dispositions différentes prises par l'autorité investie du pouvoir de police" semble laisser aux collectivités le droit de s'échapper à cette obligation. Cependant, les décisions prises pour exclure le double sens cyclable doivent nécessairement être motivées. Par ailleurs, la mise à double sens s'imposant sur les aménagements existants, l'absence d'action d'une commune pour mettre les rues en double sens est également contraire au droit.

Les associations peuvent donc contester une disposition qui ne prévoit pas le double sens cyclable.

A savoir si vous envisagez un recours

Vous pouvez engager un recours au Tribunal Administratif sans avocat, mais un avocat est obligatoire pour aller en appel. Une association ne peut engager un recours que si ses statuts prévoient explicitement cette possibilité, et si le motif du recours entre dans les objectifs définis par les statuts de l’association.

Les vices de forme conduisent systématiquement au rejet du recours, même si le fond est valable. Si l’affaire est vraiment importante, consulter un avocat pourra vous éviter des fautes de procédure.

Attention au délai légal de deux mois !

Une décision ne peut être attaquée que pendant les deux mois suivant la publication de l’acte administratif (arrêté, délibération, DUP...). Au-delà de ce délai, un recours sera systématiquement débouté pour non-respect du délai légal.

Mais il faudra probablement plus d’un an ou deux pour que la procédure arrive à son terme, ce qui rend malheureusement possible la réalisation des aménagements non conformes dans l’intervalle.

Si un chantier démarre pendant la procédure normale, les jurisprudences de Valence et Lille peuvent servir pour justifier une procédure de type référé. Cette procédure est réservée aux cas d’urgence (par exemple, les travaux de réalisation d’un aménagement non conforme vont bientôt commencer), et elle est suspensive, c’est-à-dire qu’elle interdit d’engager les travaux avant prononcé du jugement.

Pour en savoir plus :